A la suggestion d’Alias, et dans le but de briser de nombreux préjugés, voici mon éloge personnelle du jeu de rôle.
Je pratique le jeu de rôle depuis 1999 environ, parfois avec des années de creux, parfois avec des années d’intense activité, mais je n’ai jamais lâché ce loisir. Depuis 4 ans, c’est à nouveau une période intense. J’y joue régulièrement, toutes les deux semaines, plus ou moins. Je retrouve des amis une après-midi ou un soir, chez moi, chez eux ou dans un club. On s’asseoit autour d’une table avec quelques dés, des feuilles de papier et des crayons et, à l’aide des règles d’un jeu choisi ensemble, on crée ensemble pendant plusieurs heures une histoire. Une histoire qui peut être tragique, humoristique, d’aventure, ou encore profonde et psychologique, et sur de nombreux thèmes différents, selon le jeu choisi.
J’ai même poussé ma passion jusqu’à me mettre à écrire mon propre jeu de rôle, avec ses règles et son univers propre, Monostatos, qui propose de créer et de raconter des histoires de héros cherchant à conquérir leur liberté. J’y travaille depuis bientôt 4 ans et je compte le publier moi-même prochainement. Je suis également organisateur et animateur de l’Atelier du Jeu de Rôle, qui vise à faire découvrir les jeux de rôle les plus innovants sortis ces dernières années. Enfin, je participe à un forum de réflexion sur le jeu de rôle, silentdrift.
Pour conclure cette présentation, précisons que j’ai 27 ans, que je suis en thèse en sciences humaines et que je suis en couple depuis plus de cinq ans.
De tous les loisirs, sports et divertissements auxquels j’ai pu m’intéresser, le jeu de rôle est le seul auquel j’ai toujours tenu, non seulement parce que j’en suis passionné, mais aussi parce que c’est un loisir exceptionnel à de nombreux égards qui m’a beaucoup apporté personnellement.
Tout d’abord, le jeu de rôle m’a poussé à m’intéresser à de nombreux sujets et a renforcé ma culture générale. Au cours des parties et des rencontres, je me suis intéressé à l’histoire de l’unification du Japon au 16ème/17ème siècle, à la philosophie analytique (Sens de Romaric Briand), aux théories psychologiques et notamment l’analyse transactionnelle (Les Cordes Sensibles de Frédéric Sintès) et j’ai parcouru de nombreux autres sujets. Pour mon propre travail d’auteur de jeu, je me suis intéressé à des questions de linguistiques (la structure du langage poétique), à des questions de psychologie sociale (La dynamique des groupes restreints de Anzieu et Martin, et les types de leadership) et à des questions de mythologie et de construction d’histoires (Le héros aux milles visages de Joseph Campbell). Je ne parle pas des dizaines de sujets les plus divers que j’ai pu aborder en construisant ces histoires.
Parce qu’il est un loisir d’échange social et de discussion entre êtres humains, pouvant toucher à n’importe quelle question, le jeu de rôle est une porte formidable vers la culture, en particulier vers des sujets que nous n’aurions jamais rencontrés sans lui.
De plus, le jeu de rôle m’a permis de rencontrer des gens que je n’aurais jamais croisé sans cela. Je viens d’un milieu intellectuel et j’ai fait mes études dans des cercles sociaux peu ouverts aux autres (mais quel milieu social l’est vraiment ?). Le jeu de rôle est un loisir très peu coûteux – 40 euros suffisent comme un investissement pour plusieurs années de jeu (concrètement: un livre de règles de jeu de rôle et quelques dés), comparez cela au coût de n’importe quel autre sport ou loisir. Pas besoin d’être riche ou d’avoir eu les bons réseaux pour faire du jeu de rôle. Cette grande accessibilité du jeu rôle m’a permis de rencontrer des gens de toutes origines sociales. Cela m’a ouvert et m’a enrichi.
Enfin, le jeu de rôle m’a appris à prendre la parole facilement. Le jeu de rôle est un jeu de parole et de coopération avant tout. Il faut pouvoir discuter, écouter, convaincre, utiliser son imagination et prendre des décisions rapidement. Le jeu de rôle m’a appris à prendre la parole facilement et à ne pas craindre de faire valoir mon avis. Le jeu de rôle est le seul loisir dans lequel on bénéficie d’une telle liberté et où on puisse ainsi développer aussi largement sa créativité. C’est un média qui nous pousse à forger nos opinions plutôt qu’à accepter passivement celles qu’on nous apporte.
Le jeu de rôle est donc un loisir formateur et libérateur qui continue de se développer et de s’épanouir – le mouvement des jeux de rôle indépendants en particulier explore pleinement ce potentiel exceptionnel. J’espère donc que la pratique du jeu de rôle se répandra, sortira de son milieu confidentiel et que bien d’autres personnes en profiteront et y apporteront leur énergie et leur créativité !